Alberto Eiguer[1]
Les pervers moraux ont besoin d’établir un lien de domination avec une ou plusieurs personnes, et ils se servent d’elle (d’elles) ; à ces fins, ils utilisent différentes manœuvres : persuasion, harcèlement, louanges, promesses dithyrambiques. Ils dissimulent généralement leurs buts et leurs difficultés ; en revanche ils se présentent comme des êtres supérieurs bien qu’ils nourrissent leur toute-puissance avec le manque d’estime de soi de leurs victimes.
Les pervers utilisent un langage propre et une rhétorique par laquelle ils dénigrent la beauté du monde et des actes humains (cynisme). Cette rhétorique confirme les arguments, exposés également, justifiant leurs conduites de manipulation. Cela conduit à perplexité, paralysie, dévotion, chez les victimes, qui se livrent ainsi facilement à eux. Parfois, ils ne visent pas uniquement des objectifs psychologiques, mais dépouiller d’autres en leur faveur ; ainsi est-il du cas de l’escroc. Aussi la conduite perverse accompagne la séduction de nombreux pervers sexuels, cf. le pédophile. Le harcèlement évolue dans ce cas en prédation.
Ce travail reprend une partie du chapitre 3 de mon livre Nouveaux portraits du pervers moral (Dunod, 2005), qui est intitulée « L’escroc ou la quête d’amour au-delà de la blessure filiale ». Il me paraît intéressant d’exposer ces idées sur la famille de l’escroc, qui sont appliquées à d’autres cas de perversion morale et offrent en même temps des perspectives thérapeutiques. Toutefois les mécanismes dynamiques que je vous propose ici ne sont pas les seuls, ce sont pour l’essentiel des conclusions nouvelles sur l’histoire et la préhistoire familiale de ces individus, marquées par l’indifférence et le déracinement.
Je crois qu’on trouvera également des points communs avec la pathogénie de certains délinquants. Cela ne doit pas nous étonner puisque ces derniers utilisent des mécanismes pervers ; le pervers et le psychopathe ont un fonds commun ; tous les deux évitent et ignorent la loi et se détournent d’elle, mais la différenciation entre tous les deux mérite d’être établie. On observe, par exemple, que les pervers sont raffinés tandis que les psychopathes se montrent brutaux. Cela en général, bien qu’un violeur veut que la femme se sente humiliée et désarmée devant sa violence : cela lui procure une jouissance intense accompagnée de sentiment de triomphe. Nous discernons ici une illustration de perversion morale.
Toujours l’imposture[2]
Dans la relation entre l’escroc et sa victime, l’interaction se joue fréquemment sous le signe de la clandestinité. Chez la victime, il y a de l’amour sinon de la confiance « aveugle ». Ceci n’est pas sans relation avec les antécédents fréquents de blessures de filiation chez les escrocs. Ils furent des enfants abandonnés, le fruit d’un amour malheureux, adultérin, ou d’un viol ; des enfants maltraités, oubliés, marginalisés, dans tous les cas privés d’amour et de présence parentale. Ayant connu souvent la misère, une fois qu’ils disposent de sommes importantes d’argent, ils les gaspillent en « faisant le riche » et en s’achetant des objets ostentatoires, des « signes extérieurs de richesse », car pour eux, « un riche dépense sans compter » ! Parfois, le fruit de l’escroquerie alimente d’autres penchants, comme le jeu pathologique. On le sait, celui-ci peut engouffrer des sommes fabuleuses. La signification inconsciente du jeu rappelle celle de la escroquerie : un souhait de maîtrise sur les lois du hasard. Or n’y a-t-il plus grand hasard que celui qui nous fait naître dans une famille déterminée, la nôtre, et étant le descendant de ses deux lignées ?
Dans leur histoire, la loi, qu’elle soit écrite ou qu’elle émane des préceptes d’une culture familiale singulière, leur a joué un « mauvais coup ». Ils sont comme les témoins vivants de l’illégalité. Ou ils sont les rescapés d’un drame qui aurait pu conduire à leur disparition prématurée. Témoins ou rescapés, la loi ne leur fait pas peur ; ils s’en inventent une, si nécessaire. Dans leur mystification, ils se vantent d’appartenir à des filiations nobiliaires ou bourgeoises, à des milieux où tout semble permis ; l’identité empruntée s’associe d’une filiation supérieure ; elle inspire confiance. Quand un escroc détourne une loi en sa faveur, il paraît réécrire l’histoire de sa filiation dans un comportement où il se sent comme autorisé à tricher. Alors pourquoi ne se cantonne-t-il pas au vol ?
Ici intervient une autre nécessité, celle de s’approprier un autre, de le rendre complice, d’éveiller en lui le désir de tromper. L’escroc agit en pervers à cet endroit ; il lui faut corrompre. Dubec (1996, p. 90) insiste pour dire du vrai escroc qu’il cherche, par la confiance qu’il essaie d’inspirer, à se faire aimer d’un amour plein d’admiration pour son habileté, sa culture et son savoir. Il veut être rassuré qu’il est digne d’amour. Comme monnaie d’échange, il permet sa victime de s’évader vers d’autres mondes, voire de s’imaginer comme étant quelqu’un d’autre. Une fois « la déclaration d’amour » reçue, se déploie la série des actes d’abus, qui est chargée d’un vœu de vengeance.
La crédulité du « pigeon » évoque ainsi celle de la personne proche qui a cru en l’amour, à l’époque où l’escroc ou l’un de ses ancêtres a été conçu. Tout compte fait, l’escroc avance qu’aimer est un leurre, bien qu’il ait une certaine nostalgie de l’amour qu’il n’a pas connu. Peut-être, pour lui, l’amour est une dévotion plus qu’un sentiment qui naît du partage. Il ne peut toutefois construire autre chose qu’une figuration narcissique. Est-il un handicapé du sentiment qui se cramponne à ce qu’il imagine être un sentiment ? Il sait aussi qu’aimer rend les gens dociles et asservis. Sa théorie est qu’au fond l’amour est une imposture, celui-ci étant le moyen idéal afin de faire croire à ses fausses identités et ses pouvoirs inexistants.
Ceci étant, il arrive que l’escroc se « fasse avoir » à son tour, par une relation sentimentale, qui le conduit à prendre des risques ; ceux-ci le mèneront à sa perte ; ces risques sont d’autant plus inexpliqués qu’il est précautionneux à l’extrême. Dans la pièce le Libertin d’Eric-Emmanuel Schmidt, le personnage de Diderot, aussi averti qu’il se montre sur la question de l’imposture, est grugé par sa maîtresse qui lui fait voler tous ses tableaux pendant qu’il la courtise.
L’escroquerie apparaît en conséquence comme une revanche où se mêlent le désir de réparation et la confirmation de l’action traumatique qui a conduit jadis à la maltraitance. L’escroc sait changer facilement d’identité, mais parfois il a été la victime d’une erreur d’identité. Il sait confusément qui il est. Deux autres traits y sont associés : le mimétisme, c’est-à-dire l’imitation facile et totale d’un autre, et l’agilité dans ses gestes et mouvements. Il sait peut-être mieux que personne quand il faut modifier sa position et sa stratégie. Comme il est habituel chez le mythomane, ses conduites de dégagement ressemblent à une fuite (A. Eiguer, 1997), qui serait facilitée aussi par sa grande mobilité. Le fonctionnement de l’escroc ne paraît pas être entravé par de « l’inertie ». Est-ce dû au manque d’attaches, de racines familiales ? Inversement, ceux qui, comme le plus grand nombre, ont des racines qui confirment et confortent leur identité seraient plus enclins à s’attacher à ce qu’ils ont, et ils bougent moins.
Roman familial au négatif
Nous avons noté également que l’imposteur et le voleur ne parviennent pas à s’inscrire dans un fantasme de roman familial, comme celui qu’imagine l’enfant névrotique ou normal. Selon son roman familial, cet enfant pense avoir été conçu par l’amant de sa mère, un homme prestigieux. Dans une autre version, il serait un enfant adopté, volé par ses parents stériles. C’est un sentiment dont il est fier, qui occupe ses pensées, qui le console des déceptions que l’image de ses parents a pu provoquer en lui. Il met ses soupçons à l’abri du regard étranger. Il peut aussi imaginer qu’il habite un autre pays, fait des prouesses, des actions humanitaires ou salvatrices, intègre une bande, suscite l’admiration par son courage ou son intelligence, est quelqu’un d’autre, etc. Plus grand et quand il connaîtra l’amour et ses peines, il peut imaginer être sollicité par des partenaires qui dans la réalité le rejettent. Elle ou il viendra lui demander pardon de l’avoir laissé. Dans ses rêveries, il connaîtra la gloire, il sera populaire, sera vu sur les écrans TV. Son imagination n’a pas de limites si ce n’est que celles de la réalité, qui sont tout à fait connues et identifiées par le sujet.
Lors de la construction du roman familial, l’enfant y croit ou il peut y croire tout en doutant. Pour arriver à penser qu’il a été adopté ou qu’il est le produit d’un amour illégitime, il s’est livré, comme un détective, à des recherches, il a lu des lettres, réalisé même des poursuites, étudié ses traits physiques en les comparant à ceux de ses parents.
Reparlons maintenant de l’imposteur et du voleur. Mon hypothèse est la suivante : dans la mesure où ils ne parviennent pas à exciter leur imagination dans le sens de la création d’un roman familial comme chez le névrosé, ils agissent l’une des deux variantes du roman familial. Autrement dit, comme l’imposteur ne peut attribuer à son père une identité différente de celle qu’il a dans la réalité, il fait croire à sa victime qu’il a lui-même une autre identité. De même, le voleur vole parce qu’il ne sait pas fantasmer qu’il aurait pu être un enfant volé. Dans leur diversité, les situations sont évidemment plus complexes. Mais pour chaque cas, l’acte se substitue à une absence de représentation (forclusion). Quand il y a escroquerie, les deux dimensions de l’imposture et du vol s’associent.
Si ces individus ne parviennent pas à se créer un roman familial, c’est que leur vie familiale a été trop bouleversée par des privations matérielles et psychiques et qu’ils ont été en réalité le produit d’une filiation altérée par l’illégitimité cachée ou l’abandon gardé secret. Pour pouvoir nous imaginer avoir d’autres géniteurs, il nous faut être assurés que nos parents soient nos parents biologiques !
Nous devons admettre que nous nous trouvons face à une antinomie. Alors qu’il est né dans une famille où ses parents biologiques l’ont élevé, le futur névrosé est à la recherche d’autres géniteurs, et il finit par se les inventer. L’imposteur, en revanche, qui a vécu des privations affectives et des incertitudes concernant l’identité de l’un de ses parents ou des deux, ne peut s’imaginer rien de meilleur que ce qu’il connaît. Alors il ment à propos de son identité et de ses origines. Il amène de la sorte les autres à croire à cette identité fictive.
La fiabilité de ses parents s’avère insuffisante. Cette incertitude le hante depuis l’origine. Il aurait peur de perdre l’objet maternel et souffre de ne jamais avoir construit avec lui une illusion partagée.
Angoissés par l’avenir d’un enfant conçu dans des conditions inhabituelles, leur mère ou leur père n’ont pas su ou pu leur faire vivre la toute première illusion, cette impression d’enchantement propre au nourrisson normal, où chaque chose paraît facile et exaltante. Sous l’effet de l’illusion, le nourrisson a habituellement le sentiment qu’il peut obtenir de sa mère tout ce qu’il veut ; ses désirs se transforment en réalité. Plus tard cette illusion laisse la place à la désillusion, mais la première expérience permet de se servir du fantasme, de créer, d’imaginer. Parallèlement, la mère et le père sont subjugués par leur tout petit. Ils sont heureux et fiers ; ils le vivent comme un enfant exceptionnel et peuvent projeter sur lui leur propre narcissisme.
Le menteur a besoin de créer des histoires fallacieuses parce qu’il ne sait pas assez les fantasmer, car cette illusion première lui a été inaccessible. La mère et le père, quant à eux, ne se sont pas assez autorisés à croire en lui : croire qu’il est un enfant merveilleux, croire qu’il serait un jour le porteur de leurs idéaux et qu’il réalisera leurs rêves.
Ce rendez-vous manqué aurait été favorisé par la transmission des troubles générationnels, qui concernent d’ordinaire des blessures de filiation. Le doute sur l’identité de son père et de sa mère ne peut se formuler du fait même de la difficulté à pouvoir fantasmer. La fiction n’ayant pu être partagée, ce qui aurait abouti à la consolidation du sens de la réalité ainsi que à l’épanouissement de l’imagination, le fictif revient en force sous forme de mensonge.
Résumons les différents mécanismes en jeu.
- Privations affectives durant l’enfance. Exclusion éventuelle du foyer parental. Absence d’illusion père/mère/enfant primitive.
- Secrets et mensonges à propos de l’identité d’un des parents (ou des deux). Filiation honteuse.
- En face, d’autres enfants sont reconnus (frères et sœurs ; enfants des parents nourriciers ou d’accueil). Cela suscite de l’envie en renforçant le sentiment d’être injustement traité.
La transgression a ses lois
On peut m’objecter que dans l’approche de la psychopathologie de l’escroc j’ai mis exclusivement l’accent sur l’illusion et le mensonge de filiation alors que, pour l’essentiel, l’escroc défie la loi. L’escroc la bafoue sans vergogne certes, pour l’utiliser en sa faveur et la détourner de ses objectifs : création d’entreprises fictives, compromission de fonctionnaires, etc. Il veut confirmer sa théorie d’un monde gouverné seulement en fonction d’une corruption généralisé. En outre, il faut détester profondément l’humain pour le dépouiller. Rappelons que certaines victimes meurent de peine et de honte. En même temps que leurs économies, elles ont perdu l’honneur. L’escroc aurait ainsi accompli son vœu de vider les entrailles de l’objet haï.
Sa mégalomanie le conduit, en plus de vouloir s’imposer et susciter de la vénération, à créer une toile de relations où il peut « attraper » les grands de ce monde. A l’instar d’autres pervers, il se rapproche du père, pas par attachement à la loi dont celui-ci est le porteur, mais pour la détourner et pour faire de son père un allié, voire un subordonné.
La filiation, qui transmet les principes du surmoi, ordonne ce qui est admis ou proscrit. Elle est l’affirmation, par les différences des générations et des sexes qu’elle institue, l’interdit de l’inceste. Du moment où il y a eu imposture concernant les figures parentales, l’enfant ne sent pas ses parents porteurs de la loi. A cet égard, ils ne sont pas fiables.
Annette Fréjaville (1985) a contribué à ce débat avec son article « L’inceste… avec qui ? ». Des complexes d’œdipe et de castration bancals se développent dès lors qu’il y a incertitude chez les enfants quant à l’identité du père et de la mère et que ces derniers ne les identifient pas clairement comme leur enfant. Cette analyste dit essentiellement que pour pouvoir aimer le parent de l’autre sexe, imaginer éliminer celui du même sexe, et ensuite accepter les interdits de l’inceste et du meurtre, il faut au préalable savoir qui sont son père et sa mère, « croire en une parenté, en une filiation, quelle quel soit ». Cette croyance, ajoute-t-elle, dépend de ce que les parents ou l’entourage croie, ou fait croire (p. 70). Si l’on ne se sent pas appartenir à un lien avec chacun d’eux, toute l’énergie psychique s’épuise dans la recherche des repères filiatifs de base. « Quand aucun père n’occupe la place de tiers, ne joue ce rôle d’initiateur ou d’interdicteur, l’enfant se trouve en contact direct avec la société à laquelle il appartient, confronté sans médiateur à ses représentants. Enclin à provoquer ces derniers ou à s’y soumettre, il rencontre volontiers « les forces de l’ordre » ou s’engage dans une structure étatique : armée, mais aussi SNCF, PTT. Ces enfants « sans pères » pallient ainsi l’absence paternelle, résolvent par là ce besoin fondamental d’appartenance et d’interdiction que Freud a illustré avec le père de la horde primitive de Totem et tabou » (p. 85).
Pour le délinquant, ce n’est pas uniquement qu’étant enfant il aurait entendu un discours négatif sur la loi, mais qu’il a été la victime d’une série de mensonges à son propos la concernant. Cela l’autorise à flirter avec l’abjection. En plus, cette tromperie est présentée comme une nécessité, elle aurait permis de sauver la vie de l’enfant. Est-ce pour cela que l’escroc garde malgré ses privations une fidélité envers le parent qui l’a privé d’amour et de l’appartenance à un lien filial ? Un mensonge par nécessité apparaît dans nombre des légendes familiales : « Un ancêtre a dû tricher pour survivre », « Un enfant a été abandonné à la DASS pour qu’il soit élevé dans une bonne famille ».
Un culte mythique de l’anti-loi s’installe. A quoi bon le respect de la loi ? « L’anti-loi est plus utile, efficace et protectrice de la famille et du narcissisme des siens. » L’éthique courante est comme un piège qui ne laisserait pas de chance.
En guise de conclusion
Le futur escroc a reçu ou a vécu une éducation trop laxiste, trop sévère ou ambiguë, ce qui contribue à bâtir sa prédisposition vers l’illégalité. En plus,
- Le milieu aurait également approuvé, voire valorisé, ses conduites exhibitionnistes ou affabulatoires.
- Pour se faire respecter ou simplement obtenir ce dont il a eu besoin, il a dû tricher : cela s’est avéré plus efficace que les attitudes conventionnelles.
Au fil de mes recherches j’ai noté des similitudes entre les carences dans l’intégration du lien filial et d’autres formes de déracinement. Ainsi ai-je fini par me demander si ces intolérances sociales qui conduisent nombre de personnes à la marginalité ne porte pas en germe les conditions de la déconstruction d’un roman familial, ce qui conduit à des conduites déviantes. J’ai pensé, entre autres, à l’incompréhension, voire la crainte, de la différence culturelle des migrants, ce qui est à l’origine de leur rejet ou d’un forcing pour qu’ils s’assimilent. Notre action de cliniciens peut être énergique et lucide, mais la société devrait aussi se demander si elle n’engendre pas trop d’injustices porteuses de souffrances incitant à la rupture. Des laissés pour compte contestent ses lois parce qu’ils ne peuvent exprimer autrement leurs revendications et obtenir une meilleure insertion.
Toute compte fait, nombre de pervers moraux se vivent dans une situation d’exception du fait qu’ils ont connu des incertitudes et des ambiguïtés dans leur filiation ou/et dans leur généalogie. Nous avons insisté pour dire que la Loi, avec une majuscule, est déposée par les effets d’une transmission générationnelle accompagnant les legs faits à l’enfant, c’est-à-dire qu’elle prend cette même voie généalogique. Donnée comme inéluctable, la place de chacun dans sa généalogie est semblablement communiquée à l’enfant. Impliquant l’enchaînement des générations et la différence sexuelle, l’ordre de la parenté finit par créer le cadre de base du fonctionnement psychique qui a une part dans la constitution de la notion de sujet[3]. Si l’ordre de la parenté n’est pas intégré ou respecté par le ou les parent (s), l’enfant a des difficultés pour entrer dans l’œdipe et, en conséquence, pour éprouver le sentiment de castration, et de ce fait faire siens les différents aspects habituellement véhiculés par la notion de parenté.
Quand ces conditions de base ne sont pas réunies, des conséquences négatives sur l’intégration de la Loi se feront sentir, ainsi que sur l’ensemble de la vie psychique des sujets, sur les affects et les certitudes, sur les notions d’identité et de fiabilité.
Bibliographie
Dubec M. Les maîtres trompeurs, Paris, Seuil, 1996.
Eiguer A. Petit traité des perversions morales, Paris, Bayard, 1997.
Eiguer A. « Le faux-self du migrant », in Ouvrage collectif, La différence culturelle et les souffrances de l’identité, Paris, Dunod, 1998.
Fréjaville A. « L’œdipe, avec qui ? » Les cahiers du Centre Alfred Binet, 1985.
Freud S. Totem et tabou, 1912, tr. fr. Paris, Petite bibliothèque Payot, 1977.
Laplanche J. Nouveaux fondements pour la psychanalyse, Paris, PUF, 1987.
Schmidt E.-E. Le Libertin, Paris, Albin Michel, 1997.
[1] Dr. Alberto Eiguer, psychiatre, psychanalyste, titulaire d’une Habilitation à la direction de recherches en psychologie, Université Paris 5, directeur de la revue Le divan familial, président de la Société française de thérapie familiale psychanalytique. 154, rue d’Alésia, 75014 Paris. albertoeiguer@voila.fr
[2] Extraits du livre Nouveaux portraits du pervers moral, Paris, Dunod, 2005, chapitre 3.
[3] Depuis les années 1980, je l’ai dénommé « le message symbolique des origines », avec lequel une violence transgénérationnelle, violence des actions honteuses non élaborées et souvent transgressives, essaie d’interférer, voire de ruiner les efforts de réparation des membres de la famille ; c’est le cas de la pathologie (cf. La parenté fantasmatique, Dunod, 1987).